Il y a bien des années, des visiteurs fortunés venus pour la pêche avaient réservé un bassin de truites dans ce même lac. Un gardien avait été chargé de tenir les pêcheurs locaux à l'écart, notamment les peuples autochtones, gardiens ancestraux de ces terres. C’est alors qu’une rumeur commença à se répandre parmi les pêcheurs : une bête gigantesque, mi-poisson, mi-cheval, aurait été aperçue près du bassin, émergeant au crépuscule pour pourchasser ceux qui osaient troubler ses eaux. On raconte que ses hurlements glaçants, accompagnés de yeux démesurés, faisaient frémir même les plus courageux.

Lorsque cette histoire parvint aux oreilles du peuple Micmac, dont les ancêtres avaient pêché ici depuis des générations, ils décidèrent de donner une leçon aux envahisseurs. En secret, ils fabriquèrent une créature inspirée des récits terrifiants. Utilisant une peau d’orignal et d’autres peaux d’animaux, ils créèrent un monstre avec une tête de cheval et une longue queue de poisson. Pour renforcer l’illusion, ils ajoutèrent une queue massive et élaborèrent un système de cordes pour la faire traverser le lac.

Un soir, alors que les bourgeois étaient absorbés par leur pêche, une scène incroyable se déroula sous leurs yeux. À une centaine de pieds, une créature imposante, mi-cheval, mi-poisson, surgit de l'eau, poussant des cris effrayants. Pris de panique, les hommes abandonnèrent leurs femmes évanouies et fuirent, laissant derrière eux tout leur équipement. Cette nuit-là, la légende de Sayam prit vie et le lac Matapédia est devenu un mystère sans fond.  

Sources : Légendes de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine, Jean-Claude Dupont (1995)