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28 décembre 2021

Dominique Fortier - dfortier@medialo.ca

Comprendre les réactions des gens face à la pandémie; entrevue avec le psychologue gaspésien Thierry Wertz

COVID-19

Thierry Wertz

©Photo Gracieuseté - Jérôme Landry

Thierry Wertz estime que les gens peuvent mieux vivre la pandémie s'ils acceptent de mettre l'emphase sur les aspects positifs plutôt que sur ce qui est anixiogène.

Les réactions des gens face à la pandémie et les mesures sanitaires sont très variables, passant d'un extrême à un autre. Afin d'essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des Québécois, on a piqué un brin de jasette avec le psychologue et formateur annemontois, Thierry Wertz.

1- Si les mesures sanitaires sont mises en place pour protéger la santé des gens et enlever la pression sur le milieu hospitalier, est-ce qu'on peut conclure que les réactions parfois hostiles et impatientes signifient que les Québécois ne croient plus à la dangerosité du virus? Ou alors préfèrent-ils la liberté à la sécurité contrairement à ce qu'on percevait dans la population en début de pandémie.

J'aurais une autre hypothèse à suggérer. Lorsque j'entends les gens se plaindre des mesures sanitaires, ma première réaction est de les comprendre et de valider qu'effectivement, c'est difficile. La réalité est différente pour tous et chacun. Or, pour certaines personnes, aller au restaurant à tous les vendredis est un pilier majeur de leur équilibre de vie.

Ensuite, il ne faut pas croire qu'une réaction négative entraîne automatiquement l'action qui l'accompagne. Certaines personnes vont critiquer les mesures sanitaires tout en les observant rigoureusement. Je suis d'ailleurs très impressionné par la réaction des Québécois qui ont été très compliants face aux mesures sanitaires et à la vaccination contrairement à plusieurs pays d'Europe.

Finalement, il ne faut pas oublier que certaines personnes ont un discours négatif de nature, même lorsque nous ne sommes pas dans un contexte de pandémie et qui auront toujours tendance à voir le verre à moitié vide. Si on peut parler d'un réflexe, la littérature nous apprend qu'il s'agit carrément d'une compétence, soit d'apprendre à pratiquer l'optimisme. Ainsi, ces gens vont applaudir les décisions du gouvernement et le leadership du premier ministre parce que c'est plus facile de vivre ainsi, c'est plus léger. À l'inverse, d'autres personnes ont davantage un réflexe négativiste; souvent parce que c'est le modèle qu'ils ont eu. Chacun fait ce qu’il peut, avec qui il est, au moment où cela se produit.

2- On entend également que tout est dans le message, soit quand et comment il est livré par le gouvernement. À quel point ces éléments ont-ils un impact sur les réactions des gens face aux annonces?

J'en suis convaincu même si une partie de la population et épuisée des mesures sanitaires; et je le dis avec compassion. La clarté du contenu et la qualité du message peuvent définitivement avoir un impact, spécialement sur des gens qui étaient déjà fragiles. Et on peut s'imaginer que le premier ministre aimerait bien mieux annoncer des bonnes nouvelles, ça serait beaucoup plus gagnant pour lui sur le plan politique. Or, la façon dont le message est accueilli, selon moi, dépend davantage de l'état d'esprit des gens qui le reçoivent que la qualité de celui-ci.

De plus, je crois que d'occuper l'espace médiatique comme l'a fait François Legault au début de la pandémie était la bonne chose à faire. Il a accompagné les Québécois, quotidiennement, dans leurs défis d'adaptation, en répondant à toutes les questions, bonnes et moins bonnes. À mon avis, c'est bien mieux que de ne rien dire du tout et laisser les gens dans le néant et les questionnements.

Ceci dit, nous sommes extrêmement chanceux d'habiter dans une région où on peut facilement aller à l'extérieur dans la nature là où la distanciation physique est aussi plus facile qu'en ville. C'est d'ailleurs une autre technique pour mieux passer à travers cette période, c'est-à-dire de choisir avec qui l'on se compare.

 Ainsi, si on pense à des Montréalais coincés dans leur 2 et ½ ou des Cégépiens confinés avec des colocs qu'ils n'avaient pas nécessairement choisis, sans activité parascolaire, sans pouvoir faire la fête avec leurs amis, on peut se dire que nous sommes chanceux en quelque sorte en Gaspésie.

3- Aujourd'hui, on ne voit toujours pas la fin de cette pandémie alors qu'on attend de nouvelles mesures sanitaires après les Fêtes. Or, comment peut-on encourager les gens à tenir le coup alors qu'on ne peut même pas leur dire quand tout ça se terminera?

Premièrement, il faut rappeler aux gens que nous avons déjà passé à travers les premières vagues. Je leur suggère donc de tenter de répliquer ce qui les a aidé dans ces première vagues-là pour rendre la situation moins lourde. Ça peut être d'avoir tissé des liens plus serrés avec ses enfants, d'avoir repris goût aux jeux de société, de cuisiner, ou de découvrir leur coin de pays, etc. Ces éléments sont présents même s'il y a des mauvaises nouvelles.

Deuxièmement, reconnaître les indices que c’est moins pire et discuter de ce que l’on fera une fois les mesures sanitaires allégées. Et je ne parle pas du moment où ça sera entièrement terminé, mais simplement lorsque les mesures vont s'atténuer. Des fois, anticiper un futur positif allège le présent. Lorsqu'on discute de ce qu'on fera en voyage, ça aide, ça amène du plaisir.

Troisièmement, l'hygiène médiatique est aussi importante. Par exemple, au lieu d'écouter le point de presse du premier ministre pendant une heure et ressentir de la frustration et du stress pendant toute l'heure, pourquoi ne pas simplement lire un résumé de ce qui a été annoncé par la suite. Ça ne prend qu'une minute et ça suffit. On sait ce qu'on a à savoir. Ainsi, je suggère aux gens de choisir les médias qu'ils consultent, mais aussi pendant combien de temps.

Finalement, je crois que les gens ont tout intérêt à valoriser le positif d'une mauvaise situation pour les aider à mieux la vivre (on appelle ça les bénéfices secondaires). Par exemple, je connais une personne en ville qui a récupéré 30 heures de temps personnel par semaine depuis qu'elle est en télétravail. J'ai aussi des amis qui ont enfin vendu leur maison depuis le boom immobilier. Me réjouir d’un effet collatéral positif n’aggrave pas la situation sanitaire. Elle ne me rend pas non plus insensible à ceux qui souffrent ou qui sont en deuil. Cela m’aide par contre à passer au travers de ces longs mois d’efforts. Ça "boost" mon système immunitaire psychologique en quelque sorte. La façon dont nous percevons les choses est une des clés pour vivre cette pandémie le mieux possible.

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